Les vertiges positionnels paroxystiques bénins (VPPB), et l’ostéopathie
Les vertiges positionnels paroxystiques bénins (VPPB) est l’une des causes les plus courantes de vertiges chez les adultes, touchant environ 2,4 % de la population au cours de la vie. Elle est bénigne, mais peut être extrêmement invalidante, affectant la qualité de vie quotidienne.
Dans cet article, nous allons explorer en profondeur les VPPB : de l’anatomie sous-jacente aux causes, symptômes, diagnostic et traitements multidisciplinaires. Que vous soyez un patient, un proche ou un professionnel de santé, cet article vous aidera à mieux comprendre et gérer cette pathologie.
Comprendre l’anatomie de l’oreille interne et le système vestibulaire
Pour appréhender les VPPB, il est essentiel de plonger dans l’anatomie de l’oreille interne, où se situe le système vestibulaire responsable de l’équilibre. L’oreille interne, également appelée labyrinthe, se compose de deux parties principales : la cochlée pour l’audition et le vestibule pour l’équilibre. Ce dernier inclut les canaux semi-circulaires – trois tubes en forme de demi-cercles orientés dans les plans horizontal, antérieur et postérieur – remplis d’un liquide appelé endolymphe.
Au sein du vestibule, on trouve les organes otolithiques : l’utricule et le saccule, qui contiennent des cristaux de carbonate de calcium appelés otoconies ou otolithes. Ces cristaux détectent les accélérations linéaires et la gravité. Dans les canaux semi-circulaires, des cellules ciliées sensibles aux mouvements rotatoires de la tête transmettent des signaux au cerveau via le nerf vestibulaire.
Lorsque tout fonctionne normalement, ce système permet de maintenir l’équilibre et de coordonner les mouvements oculaires (réflexe vestibulo-oculaire). Mais dans les VPPB, un dysfonctionnement survient : les otoconies se détachent de l’utricule et migrent dans un canal semi-circulaire, souvent le postérieur (dans 85-95 % des cas). Ce déplacement anormal provoque des signaux erronés lors des changements de position de la tête, entraînant des vertiges intenses.
Les facteurs anatomiques individuels, comme la forme des canaux ou la densité des otoconies, peuvent influencer la susceptibilité aux VPPB. Chez les personnes âgées, la dégénérescence naturelle des structures vestibulaires augmente le risque, expliquant pourquoi cette condition touche plus souvent les plus de 50 ans.
Causes et facteurs de risque des VPPB
Les VPPB sont principalement causés par le déplacement des otolithes ou otoconies dans les canaux semi-circulaires, un phénomène appelé canalolithiase. Dans la majorité des cas (50-70 %), la cause est idiopathique, c’est-à-dire sans raison apparente. Cependant, plusieurs facteurs déclenchants sont identifiés :
- Traumatismes crâniens : Un coup à la tête, même mineur, peut détacher les cristaux. Par exemple, après un accident de voiture ou une chute, 15-20 % des VPPB surviennent.
- Infections ou inflammations : Des labyrinthites virales ou bactériennes peuvent altérer l’oreille interne.
- Âge et sexe : Les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes, et l’incidence augmente après 60 ans en raison de la perte osseuse et de la fragilité des otoconies.
- Maladies associées : Migraines vestibulaires, maladie de Ménière ou ostéoporose (qui affecte la densité calcique) sont des comorbidités courantes.
- Facteurs iatrogènes : Certaines chirurgies ORL ou dentaires, ou même une position prolongée en décubitus (comme lors d’une hospitalisation), peuvent précipiter les VPPB.
Du point de vue ostéopathique, des dysfonctions cervicales, comme des tensions au niveau des vertèbres C1-C2, peuvent indirectement contribuer en altérant la proprioception et les signaux nerveux vers le vestibule. En kinésithérapie vestibulaire, on observe que des troubles musculo-squelettiques aggravent les symptômes, soulignant l’importance d’une approche holistique.
Symptômes typiques des vertiges positionnels paroxystiques bénins
Les symptômes des VPPB sont caractéristiques et aident au diagnostic précoce. Le vertige est paroxystique (soudain et bref), positionnel (déclenché par des changements de position) et bénin (sans conséquence grave à long terme).
- Vertige rotatoire intense : Sensation que la pièce tourne autour de soi, durant généralement moins de 60 secondes.
- Déclencheurs courants : Se lever du lit, se pencher en avant, regarder en haut (comme pour attraper un objet en hauteur), ou tourner la tête sur l’oreiller.
- Symptômes associés : Nausées, vomissements, instabilité posturale, et parfois un nystagmus (mouvements oculaires involontaires).
- Fréquence : Les épisodes peuvent survenir plusieurs fois par jour, souvent plus intenses le matin en raison de la migration nocturne des cristaux.
Contrairement à d’autres vertiges (comme ceux de la neurite vestibulaire), les VPPB n’affectent pas l’audition et ne causent pas de faiblesse musculaire. Cependant, chez les patients âgés, ils augmentent le risque de chutes, avec des conséquences potentiellement graves comme des fractures.
Si les symptômes persistent ou s’accompagnent de maux de tête sévères, de troubles auditifs ou neurologiques, une consultation urgente est nécessaire pour exclure des causes plus graves comme un AVC.
Diagnostic des VPPB : Approches cliniques et tests spécifiques
Le diagnostic des VPPB repose sur l’anamnèse (histoire du patient) et des tests positionnels. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande une évaluation systématique pour identifier le canal impliqué.
- Manœuvre de Dix-Hallpike : Test de référence pour le canal postérieur. Le patient est assis, tête tournée à 45 degrés, puis allongé rapidement avec la tête en extension. Un vertige avec nystagmus torsionnel-géotropique confirme le diagnostic. Ce test est positif dans 80 % des cas de VPPB postérieur.
- Test de rotation en décubitus (Supine Roll Test) : Pour le canal horizontal. La tête est tournée latéralement en position couchée ; un nystagmus horizontal indique l’atteinte.
- Autres examens : Un bilan ORL complet inclut une audiométrie, un VNG (vidéo-nystagmographie) pour quantifier le nystagmus, et parfois une IRM pour exclure des tumeurs ou des lésions centrales.
Du point de vue kinésithérapeutique, j’intègre une évaluation de l’équilibre (comme le test de Romberg) et de la posture pour détecter des compensations musculaires. En ostéopathie, je palpe les cervicales pour identifier des restrictions qui pourraient mimer ou aggraver les symptômes.
Un diagnostic précis est crucial, car il guide le traitement : 90 % des VPPB impliquent le canal postérieur, mais les formes horizontales (10 %) ou antérieures (rares) nécessitent des approches adaptées.
Traitements en ORL pour les VPPB
En ORL, le traitement de première ligne est non médicamenteux et vise à repositionner les otoconies. Les manœuvres libératoires sont efficaces dans 70-90 % des cas après une ou deux sessions.
- Manœuvre d’Epley : Pour le canal postérieur. Étapes : 1) Position Dix-Hallpike pour induire le vertige ; 2) Tourner la tête à 90 degrés opposé ; 3) Rouler le corps ; 4) S’asseoir. Cela déplace les cristaux vers l’utricule. Voici une illustration de la manœuvre d’Epley :
- Manœuvre de Semont : Alternative rapide, impliquant un basculement latéral brusque.
- Pour les formes horizontales : Manœuvres de Lempert (barbecue roll) ou Gufoni.
Les médicaments (comme les anti-vertigineux) sont réservés aux symptômes aigus, mais ne traitent pas la cause. En cas de récurrence (30 % des cas), une référence en kinésithérapie vestibulaire est systématique.
Rééducation vestibulaire en kinésithérapie : Une approche essentielle
La rééducation vestibulaire est un des piliers du traitement des VPPB, avec des taux de succès de 85-95 %. Elle va au-delà des manœuvres et inclut des exercices pour habituer le cerveau aux signaux anormaux (habituation) et améliorer la compensation.
- Exercices de Brandt-Daroff : Répétés à domicile pour les cas récalcitrants : s’allonger latéralement, attendre 30 secondes, puis s’asseoir.
- Rééducation gaze-stabilisation : Fixer un point fixe pendant des mouvements de tête pour renforcer le réflexe vestibulo-oculaire.
- Entraînement à l’équilibre : Sur des surfaces instables pour réduire le risque de chutes.
Les sessions durent 45-60 minutes, avec 4-6 visites typiques. Chez les patients âgés ou avec comorbidités, on intègre des exercices progressifs pour éviter les nausées. Des études montrent que la physiothérapie vestibulaire réduit les récidives de 50 %.
Approche ostéopathiques pour les VPPB
Mon expertise en ostéopathie et chiropractie me permet d’aborder les VPPB sous un angle holistique, en traitant les dysfonctions somatiques qui exacerbent les symptômes. Bien que non de première ligne, ces approches complètent parfaitement l’ORL et la kiné.
- Manipulations cervicales : Techniques douces pour libérer les tensions au niveau des atlas-axis (C1-C2), améliorant la vascularisation et les signaux nerveux vers le vestibule.
- Ostéopathie cranio-sacrée : Mobilisations subtiles du crâne et du sacrum pour équilibrer les fluides céphalo-rachidiens et réduire les pressions sur l’oreille interne.
- Exercices de relaxation musculaire : Pour soulager les spasmes des muscles sterno-cléido-mastoïdiens, souvent tendus chez les patients avec VPPB cervicogènes.
Ces méthodes sont particulièrement efficaces pour les vertiges mixtes (vestibulaires + cervicaux), avec des bénéfices sur la mobilité et la réduction des symptômes. Elles complètent la rééducation vestibulaire en adressant les aspects biomécaniques, favorisant une récupération globale. Des exercices sont souvent donnés au patient afin de compléter la prise en charge et de limiter le risque de récidive (comme par exemple le fait d’emmener les cervicales en inclinaison ; le mouvement de l’oreille vers l’épaule).
Prévention des VPPB et conseils de vie quotidienne
Prévenir les récidives est clé.
- Évitez les mouvements brusques de tête à court terme ;
- Dormez avec la tête surélevée (deux oreillers) dans les phase de crise de vertiges ;
- Pratiquez des exercices d’équilibre quotidiens comme le yoga ou le tai-chi.
- Maintenez une hydratation adéquate et une alimentation riche en calcium pour préserver les otolithes.
- Pour les seniors, des bilans réguliers ORL et ostéo sont recommandés.
En cas d’épisode, restez immobile 1-2 minutes après le vertige, puis bougez lentement.
Pourquoi il est (paradoxalement) bénéfique de mettre volontairement sa tête en déséquilibre
Parmi les idées reçues les plus répandues chez les patients souffrant de VPPB, on retrouve souvent celle-ci : « Depuis que j’ai des vertiges, je fais très attention à ne plus bouger la tête trop vite, à ne pas me pencher, à ne pas regarder en haut… »
C’est exactement l’inverse qu’il faudrait faire (progressivement et intelligemment).
Le système vestibulaire, comme tout système sensoriel du corps humain, fonctionne selon le principe de l’adaptation et de la tolérance au stimulus. Lorsque l’on évite systématiquement tous les mouvements qui provoquent des vertiges, on crée un cercle vicieux très classique :
- Les otoconies déplacées continuent de flotter dans le canal semi-circulaire
- On protège excessivement les mouvements de la tête → très peu de stimulations positionnelles variées
- Le cerveau reçoit de moins en moins d’informations contradictoires et « oublie » progressivement comment interpréter correctement les signaux quand un mouvement brusque survient malgré tout
- Le moindre petit mouvement cervical anodin (se retourner dans le lit, regarder par-dessus l’épaule en voiture, attraper un objet en hauteur, attacher sa ceinture…) devient alors déclencheur violent de vertige
- Le patient a encore plus peur → il protège encore plus → le système s’atrophie davantage dans sa capacité d’adaptation
Résultat fréquent après plusieurs mois d’évitement extrême : Un VPPB initialement très facile à traiter devient chronique, récalcitrant, avec apparition de symptômes de déséquilibre postural persistant et de sensibilité extrême aux mouvements de tête même minimes.
La règle physiologique clé à retenir
Plus on reste longtemps sans jamais mettre la tête en situation de déséquilibre relatif important, plus on augmente le risque que le moindre mouvement cervical simple devienne pathologique.
C’est exactement l’inverse du principe de rééducation vestibulaire : On expose volontairement et progressivement le système à des stimulations positionnelles et angulaires variées pour :
- Favoriser la dispersion naturelle ou accélérée des otoconies vers l’utricule
- Habituer le système nerveux central à tolérer à nouveau les signaux contradictoires (habituation)
- Maintenir / restaurer le gain du réflexe vestibulo-oculaire et la compensation centrale
- Prévenir la sensibilisation vestibulaire chronique
Comment mettre en pratique ce principe en toute sécurité ?
| Situation | Comportement recommandé | Objectif principal |
|---|---|---|
| Phase aiguë (vertige très violent) | Éviter temporairement les mouvements déclencheurs majeurs | Soulagement immédiat + repos initial |
| Après 3-7 jours ou post-manœuvre | Commencer les exercices de Brandt-Daroff ou mouvements lents | Habituation progressive |
| Quotidien normal | Autoriser et même rechercher volontairement les mouvements de tête variés (regarder en haut, tourner la tête dans la voiture, se pencher pour ramasser quelque chose…) | Maintien de la plasticité vestibulaire |
| Phase de prévention / bien-être | Pratique régulière de yoga doux, tai-chi, Pilates, natation, marche avec changements de direction | Stimulation physiologique naturelle |
| Personnes à risque (seniors, ostéoporose, migraines vestibulaires) | Exercices d’équilibre + petits mouvements de tête quotidiens supervisés | Prévention active de la récidive |
| Le vrai danger pour votre vestibule n’est pas de faire trop de mouvements de tête… c’est au contraire de ne plus jamais les faire du tout. |
|---|
Une fois la phase aiguë passée et après avoir idéalement réalisé une ou plusieurs manœuvres de libération (Epley, Semont, Gufoni…), la peur du mouvement est souvent plus handicapante que le VPPB lui-même.
En résumé :
- Un petit vertige contrôlé et répété = entraînement bénéfique
- L’évitement total et prolongé = facteur majeur de chronicisation et de sensibilité excessive aux mouvements cervicaux banals
N’hésitez donc pas, dès que les vertiges sont devenus supportables, à réapprivoiser progressivement votre tête et votre équilibre. C’est l’un des secrets les mieux gardés (et les plus contre-intuitifs) d’une bonne récupération à long terme des VPPB.
Conclusion : Vers une prise en charge intégrée des VPPB
Les VPPB, bien que bénins, méritent une attention multidisciplinaire pour une résolution rapide. En combinant expertise ORL, rééducation vestibulaire et approches ostéopathiques, on obtient des résultats optimaux. Si vous suspectez des VPPB, agissez vite : une consultation peut changer votre vie.